alain florey graphiste indépendant spirale.li

14 décembre 2018

Alain Florey, graphiste

Comme je suis ravie d’écrire ce nouveau billet ! Et surtout, de vous présenter mon invité : Alain Florey, graphiste sous le nom de Spirale.li 

J’ai envie de dire que j’ai rencontré Alain dans une autre vie, ma vie d’employée. J’étais alors assistante de communication dans un théâtre à Genève. Il m’a appris, en partie, mon métier. Devenue responsable de communication ailleurs, on a toujours gardé le contact.

Par la suite, il a été mon premier client. Je peux dire que c’est un peu grâce à lui que m’est venue cette idée folle : “Et si je me lançais en tant que freelance?”

Graphisme et communication, les inséparables

Lorsqu’on est responsable de communication, les graphistes sont ceux qui réalisent nos idées les plus saugrenues et qui trouvent les visuels qui sublimeront nos projets. Il était donc indispensable qu’un de mes invités représente ce magnifique métier.

Par ailleurs, Alain travaille comme indépendant en Suisse depuis 30 ans, mais a également travaillé à Paris. Il a été une sorte de slasher avant l’heure comme vous allez le découvrir ci-dessous. Il a donc entièrement sa place sur le blog de Message In a Bottle. Surtout qu’il est le meilleur, faut pas se mentir 🤩!

alain florey graphiste indépendant spirale.li
Pourquoi avoir choisi ce métier?

Si j’essaie de retrouver les prémices de ce choix, je pense que c’est lorsque j’avais 10 ans. Je me suis retrouvé dans un atelier de peintres en lettres, ceux qui dessinaient les enseignes, et j’ai trouvé ce métier magnifique.

Quand j’ai terminé le cursus scolaire habituel, je ne savais pas trop quoi faire et je devais normalement rentrer à l’école de commerce. Puis, j’ai rencontré une amie qui était en première année à l’Ecole des Arts décoratifs à Genève, section bijouterie. J’ai trouvé l’idée intéressante et suite à un stage, il s’est avéré que ma méticulosité a été très appréciée.

J’ai réussi les examens d’entrée pour commencer mon année préparatoire. Au milieu de cette année, on a visité les autres sections et, lorsque je suis arrivé dans la classe des graphistes, j’ai décidé que ce serait ça et non pas, le dessin de bijoux.

Comment as-tu débuté ta carrière de graphiste?

Quand je suis sorti de l’école, j’étais très peu sûr de moi, je pensais être nul et que ça serait impossible d’exercer ce métier.

Par ailleurs, mon rêve d’enfant était de devenir professeur de ski. A 25 ans, c’est ce que je suis devenu. J’ai même été engagé en Argentine et quand je suis revenu en Valais, je suis devenu entraîneur à Morgins. Au fond de moi, je savais que je n’allais pas faire ça toute ma vie.

Alors en 1992, je suis arrivé de Morgins à Monthey (de la montagne à la “ville”). Tout le monde me connaissait comme prof de ski. J’ai donc dû expliquer que j’étais aussi graphiste. Les gens ne comprenaient pas ce métier. Ils pensaient que je faisais de l’imprimerie.

Comment se sont passés tes débuts d’indépendant?

C’est à ce moment-là que j’ai proposé à Evelyne, mon amie de l’École des Arts décoratifs, de travailler avec moi. Elle avait été directrice de création dans de nombreuses agences, mais elle a accepté.

Au début, c’était très dur. Evelyne a continué parallèlement à faire du freelance dans des agences de pub et moi, à donner des cours de ski. Après quelque temps, Evelyne est repartie à Genève.

A ce moment-là, on m’a proposé de faire les visuels pour la Foire du Valais, ce qui m’a amené de la visibilité. J’ai ensuite gagné quelques concours, dès lors, j’ai été plus sollicité.

Plus tard, le directeur d’une institution locale m’a demandé comment je voyais mon avenir. J’ai répondu que je n’en savais rien mais que la question était très intéressante. Et que s’il avait derrière la tête une collaboration, il fallait qu’il m’en parle.

En revanche, je lui ai dit qu’il ne serait jamais mon patron. C’est comme ça, que mon aventure parisienne a commencé. On s’est associé pour acheter un atelier de graphistes qui avait comme principaux clients des maisons d’éditions. Je partageais alors mon temps entre Monthey et Paris.

Qu’est-ce que t’a apporté le cursus des Arts décoratifs?

C’est énorme. Ce qui est intéressant, c’est qu’on est cette génération qui symbolise la fin de quelque chose et le début d’autre chose dans ce métier.

On a eu cette chance d’avoir 30 ans au moment où les premiers ordinateurs sont arrivés. Pas tous les graphistes en avaient. On en achetait un pour deux.

Et parallèlement, on faisait encore des photolithos à l’extérieur, on faisait composer nos textes à l’extérieur, c’est-à-dire qu’on calibrait tout pour que des externes qui faisaient ce qu’on appelait de la photocomposition codent nos textes.

En résumé, on faisait d’abord tout à la main. On expliquait même aux clients ce qu’on allait faire avec des esquisses!

Mais je pense que cette base est aujourd’hui obsolète.

Pourquoi as-tu voulu devenir indépendant?

Par peur de ne pas être assez bon pour un patron. J’avais trop peur qu’on me dise les yeux dans les yeux que j’étais nul. Et vu que j’avais zappé le métier pendant plusieurs années, quand je suis revenu au graphisme, j’ai dû réapprendre le métier un peu tout seul. Par exemple, les imprimeurs m’ont aussi beaucoup aidé à préparer des documents originaux prêts à la production (ou à être imprimés) quand j’ai commencé.

Comme je vivais avec rien en tant que prof de ski, ça m’a permis de relativiser quand je me suis lancé en tant que graphiste. Je n’avais rien à perdre.

En même temps, j’avais quand même une certaine pression, car mon père, qui vient d’un milieu très modeste, s’est porté garant au moment où j’ai dû emprunter à la banque. Son père n’avait pas pu le faire pour lui, alors il a voulu absolument le faire pour moi. Pour faire court, si je me plantais, il perdait sa maison.

Peu à peu, j’ai pu rembourser les banques et ne plus avoir de dette…

Ne suivez jamais un brief de marketeux! Pour tous les concours que j’ai gagnés, je n’avais pas suivi le brief. En tout cas pour le 80% d’entre eux.

A quel moment tu t’es dit que ça marchait?

Je ne me le dis jamais!

Mais concernant les débuts, pour vivre modestement, sans famille, sans rien, il m’a quand même fallu 4-5 ans. Pourtant, il n’y a pas un seul jour où je me dis, c’est dans la poche, ça roule.

Décris-nous une journée type?

C’est clair que je n’ai pas les mêmes horaires que tout le monde. Parfois, je termine à 20h, 21h ou 22h ou je travaille aussi souvent le samedi.

En fait, je n’ai pas vraiment de journée type. Il y a bien sûr des travaux récurrents avec des plannings établis, mais il y a aussi des imprévus. J’essaie de faire au mieux, mais parfois je dis à mes clients honnêtement le délai dont j’ai besoin. Souvent, ils comprennent.
En tout cas, je ne travaille pas avec des gens qui ne comprennent pas ce genre de situations.

Je fais tout pour rendre heureux mes clients et rendre les projets rapidement, mais en étant seul, (quelques fois avec un/une stagiaire), je ne peux pas toujours faire des miracles.

Comment as-tu prospecté?

Je n’ai jamais prospecté. Pour moi, c’est le bouche-à-oreille qui a fonctionné. J’ai été sollicité pour des projets qui m’ont donné de la visibilité. Ensuite, comme mon travail graphique était visible, j’ai été plus sollicité. Être visible, c’est le plus important.

J’ai plusieurs clients qui me permettent d’être toujours visibles, comme, par exemple, le Théâtre du Crochetan. Aujourd’hui encore, des gens me disent : “Ah j’ai vu ce que vous avez fait!”

Un indépendant a tous les métiers en main, c’est ce qui fait la difficulté. Et j’avoue, que je n’aime pas aller “taper aux portes” pour chercher des clients. C’est très difficile pour moi de faire ça. Après, peut-être que je devrai le faire…

En revanche, je suis assez bon vendeur. Si je rencontre quelqu’un et que je vois qu’il est un tout petit peu intéressé, j’arrive à lui faire comprendre que c’est un bon choix de travailler avec moi. Ceci dit en passant, il faut sortir et rencontrer des gens!

Tu accueilles aussi des stagiaires…

En tant qu’ancien graphiste, c’est ma contribution à la relève. Dans leur cursus, les futurs graphistes sont obligés de faire un stage avant de terminer leur formation.

Pour moi, c’est la moindre des choses que je peux faire après 30 ans d’expérience. Ils voient ce qui se passent dans une petite structure comme la mienne et ce qu’est le métier de graphiste.

Comment vois-tu l’évolution de ton métier?

Je ne te dirai jamais c’était mieux avant! Je ne reviendrais pas en arrière, à l’époque du tout à la main.

Maintenant, moi je suis graphiste et par rapport aux Designer digitaux ou tous ces autres nouveaux métiers, c’est complètement différent. Je n’ai pas appris ces métiers-là. Avec les réseaux sociaux, le métier a pris une autre tournure. Je peux offrir ces prestations, mais pour moi, comme on dit,  “Print is not dead”!

On est tout le temps sur les écrans et je me demande quand même où tout ce matraquage digital va mener. Et comment la relève va gérer ça.

Un conseil pour les jeunes entrepreneurs?

OSEZ! Il y a plein de personnes qui ont du talent. Je suis un bon graphiste, mais il y en a plein des bons. Il faut oser sortir des sentiers battus.

Ne suivez jamais un brief de marketeux (je t’embête ;), ça ne marche pas! Pour tous les concours que j’ai gagnés, je n’avais pas suivi le brief. En tout cas pour le 80% d’entre eux.

Ce n’est que comme ça que tu peux te démarquer. Surtout qu’on a accès à tout ce qui se passe partout dans le monde.

Quelles sont les difficultés que tu rencontres en tant qu’entrepreneur?

J’ai un sixième sens pour savoir avec qui ne pas travailler.
En même temps, j’ai toujours eu beaucoup de chance et j’ai toujours eu de très bonnes relations avec mes clients.

Pour moi, il n’y a pas de difficulté particulière. Excepté, comme je l’ai dit avant, être entrepreneur, c’est devoir faire tous les métiers.

Quelle est ta plus belle réussite?

Il y a 2-3 travaux que j’aime bien, qui tiennent encore bien la route aujourd’hui. Par exemple, certains logos. Ca, c’est déjà une super satisfaction quand quelque chose tient dans le temps.

Et l’autre, c’est d’être toujours là, après 30 ans. Et si je reprends mon exemple du Théâtre du Crochetan, c’est d’avoir fréquenté quelques chefs de la culture, plusieurs directeurs et d’être toujours le graphiste depuis 1996 de ce magnifique lieu qui propose une très belle programmation.

Et quels sont tes objectifs, tes rêves?

Tout est dans les rencontres. Je mise beaucoup sur ça. Je vais déménager mon atelier et je serai entouré d’architectes, d’ingénieurs et d’autres indépendants et je pense que ça va me donner une autre dynamique.

Je vais aussi peut-être engagé quelqu’un à 50%, qui sait?

J’adore mon métier et j’espère pouvoir le pratiquer jusqu’à la fin. Ce qui n’est pas sûr, car quand tu dis que tu es graphiste à 55 ans, tu parais être dépassé. Pourtant, je pense que j’ai encore beaucoup à proposer.

Et mon rêve… travailler plus sur des monographies, pour des artistes, des architectes, etc…

Osons! Osez!

alain florey graphiste indépendant spirale.li

par Delphine Berclaz